Lecture du livre « Le besoin de croire : Métapsychologie du fait religieux par Sophie de Mijolla-Mellor


Publié le 24 Février 2014
Lecture du livre "Le besoin de croire : Métapsychologie du fait religieux"
Sophie de MIJOLLA-MELLOR, Paris, Dunod, 2004.
Quelques réflexions sur l'ouvrage Métapsychologie du fait religieux de
Sophie de Mijolla-Mellor par Patrick FRASELLE

Introduction
D'emblée, avec son titre, Le besoin de croire, l'auteur questionne notre besoin individuel de croire, notre besoin de réassurance ancestrale. C'est notre besoin de croire en quelque chose qui allégerait notre étourdissement de notre propre condition humaine, toujours aussi mystérieuse qu'inexpliquée… Notre naissance venant prolonger la naissance de l'Univers. Ce premier titre, Le besoin de croire, renvoie à l'histoire de l'humanité. La condition humaine, sa solitude émotionnelle ou psychique, par rapport aux vicissitudes de la vie, par rapport au sens que l'homme tente de donner à cette vie sur terre. Cela génère un besoin de croire si ce n'est en une vérité vraie, au moins dans un rêve… Si pas en soi-même, en une force supérieure qui résoudrait toutes les interrogations, toutes les nostalgies… Le besoin de croire étant comme une espèce d'immense rêve oral, où tout est parfait ! Nous touchons, avec jeu de mots, l'idée du Paradis Perdu (l'intra-utérin) ainsi que le prolongement de l'omnipotence narcissique. Ensuite, avec le sous-titre Métapsychologie du fait religieux, Sophie de Mijolla-Mellor questionne notre inconscient religieux individuel autant que l'inconscient collectif religieux archaïque. L'inconscient archaïque des peuples ainsi que des générations antérieures. Comme pour soulever une chape plus profondément enterrée dans notre compréhension impuissante de la naissance de l'humanité. L'inconscient se trouvant être au mystère ce que le conscient est au concret. Opposer une vision du monde « scientifique » à laquelle se rattacherait la psychanalyse à une vision religieuse de la naissance de l'humanité est l'objectif que se donne Sophie de Mijolla-Mellor en revisitant les textes de Freud. Freud s'est attaché scientifiquement à analyser les sources de la croyance religieuse mais aussi les affects et le fonds pulsionnel qui s'y trouvent concentrés. Une deuxième explication à cet intérêt que porte Freud à la religion est l'emprise morale que celle-ci exerce sur la sexualité (conduisant au puritanisme) et à laquelle il va s'opposer par ses théories psychanalytiques, notamment celles traitant de la sexualité infantile.

Au fond, ce que Freud cherche à faire selon Sophie de Mijolla-Mellor, c'est à remplacer la religion par la psychanalyse. En d'autres mots, il veut obtenir la même reconnaissance que celle dont jouit la religion : il veut en fait prendre la place de la religion ! Rappelons-nous en effet qu'à cette époque, la psychanalyse était soumise à une rude critique de la part de la communauté scientifique, et que Freud n'avait de cesse de démontrer la pertinence scientifique de sa théorie. D'où la création de sa métapsychologie, qui était censée être une réponse bien scientifique, bien rationnelle et théorique, à ses détracteurs. Pour rappel, avec la métapsychologie (du grec méta , « au-delà ») la psychanalyse affirme son ambition d'être une science de l'inconscient . Avec la métapsychologie, nous nous trouvons donc au coeur de la psychanalyse, la métapsychologie, en étant la partie théorique. Dans la métapsychologie de Freud et les topiques « conscient – préconscient – inconscient », ensuite « ça – moi – surmoi », il apparaît que la notion de dieu est, dans le psychisme de l'homme, logé à deux enseignes.
• Dans son Inconscient : besoin d'explications et de certitudes, s'il n'y a pas d'explications rationnelles scientifiques, vient alors le « besoin de croire » ;
• Dans son Surmoi : peur du Père, de la Loi du Père ; « la création des esprits jaillirait (…) de la même source que les premières limitations morales auxquelles il se soumet, les prescriptions de tabou. » Quand la physique objective est dépassée, certains renvoient le phénomène dans le « magique » ou bien « l'inexpliqué », dans « l'au-delà », dans « l'irrationnel ». Ainsi de la métapsychologie psychanalytique nous glissons à la métapsychologie du fait religieux. La seconde venant s'étayer sur la première. Le sentiment océanique nous ramenant à des formes archaïques du fonctionnement psychique, il s'agit donc de repérer dans ce sentiment océanique une représentation qui elle-même est accolée au mot « océan ». Il évoque les traces mémorisées d'objets du passé. Les vagues pouvant évoquer le rythme temporel, Romain Rolland l'évoquant à Freud pour décrire une sensation d'éternité. La vision sous-marine pouvant offrir le fantasme d'une rencontre avec un univers primitif. Le vécu du temps n'est pas lié à la mesure abstraite mais bien à la sensation des rythmes vitaux comme la respiration, le battement du coeur ; ou bien le rythme naturel des jours et des nuits.

Dieu en tant qu'affect : la preuve de son existence relève de la conviction et non de la démonstration. Aucune preuve de l'existence de Dieu n'a jamais convaincu un incroyant car la démarche logique de la preuve de Dieu fonctionne dans un tout autre univers que celui de la croyance (l'affect). Le fait que les philosophes aient ressenti de démontrer l'existence de Dieu tient plus à l'essence de la philosophie qui implique de ne rien laisser hors de son domaine et non à la nécessité de convaincre les incroyants. Mais ce qu'il est important de souligner ici se limite entre la différence entre Dieu comme représentation (démonstration des philosophes) et comme affect . C'est ce second aspect et non du premier que relève la religion et c'est aussi le point d'impact de la psychanalyse qui, de fait, ne dialogue en l'occurrence ni avec la philosophie, ni avec la théologie. Le sentiment d'appartenir au Grand-Tout du vécu infantile narcissique qui ignore le monde extérieur est-il à mettre en lien, passant du liquide amniotique à un sentiment océanique plus émotionnel ? Serait-ce la projection du Bébé-Dieu (Moi sans monde extérieur) dans le ventre de sa mère passant à la projection du Dieu-bébé faisant partie du Grand-Tout-Cosmos-Océan ? Passant ainsi de la période narcissique anobjectale à la relation d'objet… « Je ne suis plus un Grand-Tout mais je dois tenir compte de ma relation au monde extérieur. » Le nourrisson ne faisant pas de partage entre son Moi et le monde extérieur, on peut penser que Freud, a identifié, la nature maternelle de l'océanique et qu'il pourrait s'en tenir à l'idée d'une nostalgie de la séparation. Mais le génie de Freud est de préciser : « Pour éviter le déplaisir du manque, le nourrisson vit son Moi comme un « pur Moi-plaisir » auquel s'oppose un dehors étranger et menaçant. » La boucle est donc bouclée et l'océan est avalé (oralité narcissique) : à l'origine, le Moi contient tout, ou du moins tout ce qui présente un quelconque intérêt libidinal. Freud donne donc largement raison à l'authenticité du sentiment océanique, mais il en fait une survie de l'originel sentiment du Moi primaire. Avec cette démonstration Freud a simultané élargi et précisé la métapsychologie (concept d'inconscient, de moi, de narcissisme primaire) et éliminé la preuve affective de l'existence de Dieu qu'il était supposée apporter (Dieu en tant qu'affect). Par contre, il doute quant à en attribuer l'origine du besoin de croire : « A-t-on le droit de considérer ce sentiment océanique comme la source de tout besoin religieux ? Je n'en suis, pour ma part, nullement convaincu. Un sentiment ne peut devenir une source d'énergie que s'il est lui-même l'expression d'un puissant besoin . »

L'auteur, Sophie de Mijolla-Mellor, va quant à elle critiquer cette position de Freud : « Le sentiment océanique est donc la trace archaïque, la perception du monde (l'utérus) et de soi-même. Ce n'est pas la conséquence d'un manque, mais la suite de l'omnipotence narcissique des premiers mois de la vie. Considérer ce sentiment comme ce vers quoi tendrait un individu frustré par les nécessités de vie c'est l'inclure dans une dynamique fonctionnant sur le mode de la névrose ». Cette remarque de l'auteur nous paraît être assez particulière : elle ne semble pas vouloir tenir compte du fait que Freud lui-même a récusé l'argument du sentiment océanique comme origine du besoin de croire… La nostalgie A l'inverse, la nostalgie est clairement névrotique. Faire du sentiment océanique un sentiment venu de l'extérieur reviendrait à donner raison au croyant qui verrait un témoignage de l'accès de la créature finie (l'homme) au divin. Vu par Freud comme un sentiment venu de l'intérieur (projection) et comme la satisfaction d'un manque, il est le résultat, comme il le suppose d'une dynamique pulsionnelle antérieure. On peut aussi concevoir le sentiment océanique comme la trace d'un vécu archaïque, --- perception du monde et de soi-même--- (omnipotence narcissique !). Considérons ce sentiment comme ce vers quoi tendrait le sujet frustré par les nécessités de la réalité, c'est en effet l'inclure dans une dynamique qui fonctionne sur le mode de la névrose (gestion des conflits frustratoires névrotiques sur le mode pulsionnel/anti-pulsionnel). A-t-on affaire à une absence de l'objet ou bien à une nostalgie de l'objet perdu ? Freud fait alors l'hypothèse que l'absence de la mère crée pour le nourrisson non seulement de l'angoisse, mais aussi de la douleur parce que « dès l'instant où il a perdu sa mère de vue, il se comporte comme s'il ne devait plus jamais la revoir » (Freud, 1925). Le besoin de croire, selon Sophie de Mijolla-Mellor.

Sophie de Mijolla-Mellor se pose la question de savoir si cette expérience nostalgique que constitue le sentiment océanique, et qui s'accompagne du désir pour quelque chose de fatalement inaccessible, puisque passé, n'est pas à l'origine de toute quête religieuse. Puis, tout comme Freud, elle passera à autre chose : L'origine de la représentation de Dieu par l'homme est, selon elle, la mort à laquelle chaque homme est confronté depuis la nuit des temps. La mort était (est) irrationnelle et incompréhensible : elle doit être déniée ; et elle ne peut l'être que si une puissance supérieure s'y oppose : Dieu ! C'est le déni de l'expérience de la mort par la genèse des esprits. Sophie de Mijolla, propose l'idée suivante : une nécessité de représentation (de Dieu) et un vide (absence de Dieu) correspondant. Il semblerait que la phrase célèbre de Freud « le but de la vie, c'est la mort » soit intolérable pour l'homme. Insupportable de mesurer ainsi sa finitude. Difficile, narcissiquement, pour l'être humain d'accepter l'énigme que la mort représente. Passer de l'irreprésentable de la mort à l'image tout aussi irreprésentable de Dieu, c'est passer du non-être (néant narcissique) de la mort au sur-être (toute-puissance narcissique) de la vie éternelle ainsi que du paradis promis (l'âme étant bonne et les péchés bien expiés). La mort étant ainsi niée en donnant de « relais de la vie » à une puissance supérieure. L'animisme (l'invention des âmes et de leurs destins) ne serait pas le résultat d'une recherche de sens mais une croyance préscientifique, voire pré-religieuse.
Ainsi, si l'immortalité va de soi, c'est que le vivant seul existe. Constitué de deux faces, le corps et l'âme, la mort devient un épisode secondaire puisque l'âme immatérielle continue de vivre. Le narcissisme de l'homme, pouvant ainsi perdurer, grâce à la survie animiste. Pulsions de vie et de mort sont toujours intriquées. Cette intrication tient à l'action propre d'Éros qui cherche toujours à assembler, à lier. Lorsqu'il y a désintrication des pulsions, apparaît l'ambivalence amour/haine. A la limite, on peut dire que deux conceptions existent. Dans la première conception pulsionnelle, la vie a son origine à l'intérieur de l'organisme et la pulsion est en quelque sorte à son service. Dans la deuxième, la vie a son origine dans un accident extérieur à l'organisme et les pulsions tendent au contraire à ramener cet organisme à un inorganique antérieur à la vie. La mort selon Freud serait le résultat proprement dit et le but de la vie. Ce n'est pas la mort qui est un accident, c'est la vie. Pour Sophie de Mijolla-Mellor, les réelles sources du besoin de croire sont les ivresses sacrées, les extases mystiques. Dans l'extase mystique, l'expérience de la rencontre avec l'objet (divin) ressemble à un embrasement passionnel : « L'infini besoin de communion, de fusion totale avec l'être aimé, conduit de la passion au mysticisme, Dieu seul étant l'objet qui puisse répondre à un tel investissement (..) ». Les extases sacrées Il s'agit d'un besoin profond de l'humain de sortir du quotidien, un besoin opposant la réalité à la magie, à la beauté ! Que ce besoin s'exprime de manière profane ou sacrée, en utilisant des recours chimiques (drogues, alcool), des ressources corporelles ou psychiques, c'est toujours une certaine exaltation qui est recherchée dans le but de se sentir pleinement vivant. L'oscillation entre le continu du quotidien et le discontinu de l'exceptionnel est caricaturée dans cycle de la manie/mélancolie. Ce cycle constitue une forme pathologique de cette exaltation, car non élaborée par la présence d'un objet extérieur.

En fait, nous retournons à la case départ de l'oralité, de la toute-puissance narcissique, à l'intra-utérin, à la nostalgie du paradis perdu avec des « extases » incarnées , symbolisées par l'alcool, le tabac… Nous reconnectons ainsi au sentiment océanique autant que, pourquoi pas, « à la nostalgie de la nostalgie… » Baudelaire parle des drogues en nommant « les paradis artificiels ». Le paradis artificiel se voulant être le lieu de l'extase, les drogues orales nous ramènent au point d'impact de l'oralité première. Positions par rapport à la religion Quand la réalité nous dépasse, que notre rationnel ne fonctionne plus, ressentons-nous, impérativement ce « besoin de croire » ? Notre inconscient, --- « la métapsychologie du fait religieux » ---, nous permet alors de prêter des pouvoirs à un Père primitif, à une énergie primitive ? Mais pourquoi Dieu est-il toujours une figure masculine ? Dans la religion catholique, Dieu crée la femme au départ de l'homme en prélevant une côte à ce dernier… Comme si, science-fiction, avant la lettre, c'est l'homme, qui dans cette religion, était d'abord capable d'accoucher de la femme ? L'homme est-il déjà dans l'envie du pouvoir créatif du féminin ? Est-ce l'homme qui accouche de la vie… Est-ce son désir de donner naissance à… Est-ce Dieu alors qui « féconde » l'homme pour donner une femme à ce dernier ? Dieu et Adam sont-ils une figure de la famille homo-parentale adoptant Eve pour agrémenter la vie ? Est-ce que manger (oral-sadique) le père de la horde primitive pour en avoir sa force par métabolisation n'est pas une identification homosexuelle (narcissisme) ? L'homme est-il un roi et les femelles de la horde primitive des « femmes-objets » ainsi que des « princesses déchues » ? Un petit détour vers la biologie : qui donne naissance à qui ? « Dans l'histoire de l'évolution, le mâle est une invention assez tardive. L'être qui enfante est, et sera toujours, la femelle. Sans femelle, pas de descendance. On peut parfaitement renoncer au mâle… Avec le mâle, certains perfectionnements ont été apportés au processus de reproduction… Ce n'est pas Adam qui a précédé Eve, et celle-ci n'a nullement été créée ultérieurement avec l'une de ses côtes, pour reprendre la représentation allégorique de la bible, c'est l'inverse qui s'est passé. » (1)

Biologiquement, la parthénogenèse (reproduction sans fécondation) serait concevable même chez l'être humain, il suffirait que l'ovule contienne tout le capital génétique au lieu de la moitié. S'il y avait parthénogenèse, chaque femme engendrerait une lignée verticale de descendantes rigoureusement identiques à leur mère. Ces lignées évolueraient chacune de leur côté, séparément, parallèlement, sans aucunes possibilités
d'échanges génétiques entre elles. Si une de ces lignées bénéficiait, à un moment donné, d'une mutation favorable, il lui serait impossible de transférer l'information bénéfique aux autres. Avec l'apparition du mâle, les lignées ne sont plus verticales et cloisonnées mais horizontales et interactives. Le programme biologique évolutif est ainsi enclenché. Un petit détour vers une partie historique gommée dans l'explication du Dieu-Patriarcal : la Déesse-Mère . « La femme est la Déesse, c'est-à-dire l'incarnation d'une énergie cosmique ultime, vivante et présente, même si elle ne le sait pas forcément. Ce n'est pas seulement l'homme qui doit changer d'attitude, mais aussi la femme vis-à-vis de son propre mystère, qu'en général, elle ne perçoit pas toujours. Or, son vrai mystère, c'est celui de la vie car homme ou femme, notre vie personnelle a débuté dans le ventre de la mère. Le mystère de la vie incarné par et dans la femme demeure abyssal car l'ovule est produit par la femme, avec en elles tous les codes génétiques des générations passées… La femme a été la première religion de l'homme et sa première divinité fut la Déesse-Mère. Elle se retrouve partout dans les sculptures préhistoriques. La Grande Ancêtre, à été la première religion de l'homme et l'objet d'un culte généralisé. En témoignent les nombreuses images de la femme paléolithique ou néolithique, découvertes partout. Le patriarcat est assez imperméable aux valeurs féminines : l'affection, l'amour, les rapports humains vrais, le contact avec la nature et la vie. » (2) Freud va éviter d'attaquer la religion de face avec des arguments aujourd'hui pourtant fortement répandus tels que la manipulation des masses aliénées, le peu de prix de la vie sur terre à cause du paradis promis après la mort (= la vraie vie !), etc. Comme nous l'avons dit plus haut, il va au contraire l'intégrer dans un ensemble de « constructions adjuvantes », dans lequel on retrouve le travail, l'art, les drogues, la passion. Il classifie les constructions adjuvantes en trois groupes :
• Les puissantes diversions qui nous permettent d'oublier nos misères : l'activité et le travail ;
• Les satisfactions substitutives : la vie fantasmatique et l'art ; • Les stupéfiants qui changent notre être corporel par la chimie.

Freud, du point de vue du créateur ou du spectateur, voit dans l'art un « double narcose » ou un « doux enivrement ». Par rapport aux beaux-arts, l'absence de mots, le silence du tableau comme celui de l'analyste, incitent à la régression dans un monde de représentations où règnent les processus primaires (inconscient). Une intoxication par l'art est possible. Par exemple dans la ville de Florence où chaque recoin dévoile des
fresques sublimes du sol au plafond. Tout cela alimentant si cn'est notre besoin de croire notre besoin de fuir notre condition humaine… Il va, à la manière d'une analyse psychanalytique, démontrer l'origine du besoin de croire et en relever son anachronisme. Tels les premiers chrétiens qui ont dû se battre contre les anciennes croyances pour imposer leur Dieu, Freud se présente comme celui qui propose une nouvelle vision du monde s'opposant à la religion d'aujourd'hui. La psychanalyse est l'instrument de recherche qui permettra de la mettre en place. Outre le fait de traiter la religion d'illusion (ce qu'il fit dans L'avenir d'une Illusion ), Freud va s'attaquer à la notion même de dogme, c'est à dire à ce contenu de croyance qui se passe de toute démonstration et de toute vérification par l'expérience. Ce faisant, il va utiliser les mêmes critiques à l'égard des dogmes religieux que celle qu'il essuie à l'égard de ses théories psychanalytiques par la communauté scientifique de l'époque. Ce qu'il va remettre en cause, c'est la vérité des contenus du dogme, pas le besoin de croire. Pour Sophie de Mijolla-Mellor, ces « constructions adjuvantes freudiennes » sont trop vagues. Elle préfère parler de sublimation, en tant qu'élaboration du narcissisme. En effet, les drogues ne donnent-elles pas aussi un sentiment de toute-puissance ? Elle se demande toutefois si la pertinence de l'analyse de Freud ne concernerait pas uniquement la religion judéo-chrétienne, voire le monothéisme. Elle émet alors l'hypothèse que c'est le monothéisme qui engendre le meurtre et la culpabilité, la créature étant seule face à son créateur. A l'inverse, les polythéismes et les sagesses philosophiques orientales notamment, diluent cette opposition dans la multiplicité des figures divines. Elles s'intéressent au devenir de l'âme sans ce rapport personnel de faute et de pardon. L'union mystique apparaît alors comme un dépassement de l'attitude infantile vis-à-vis de Dieu, et, plus généralement de la place de l'amour qui transcende la culpabilité. Au fond, ce que Freud souhaite, c'est qu'il s'effectue un transfert entre le besoin de croire et la science, sa science (la psychanalyse). Et plus précisément, vers cette exigence éthique et épistémologique qui anime sa science et qu'il nommera le dieu Logos (mot venant du grec, signifiant parole, science de…). C'est cela qu'il va chercher à opposer à la religion. Et vu ainsi, comme par magie scientifique anachronique, c'est comme si Freud devenait, lui, le « père de l'humanité » ! Freud sait clairement que le besoin de croire est d'origine pulsionnelle, et donc issue de l'intérieur. Il va pourtant attaquer ce besoin par l'extérieur, en comparant la religion à une névrose obsessionnelle doublée d'une psychose hallucinatoire aigüe. Selon lui, l'éducation religieuse est responsable de l'atrophie des capacités de jugement rationnel de l'homme, et du fait qu'il soit dominé par ses souhaits pulsionnels.
L'envie (au sens kleinien du terme) selon l'émotionnel personnel de Sophie de Mijola-Mellor
Il y a un réel désir de rendre son livre complètement abstrait, comme si elle ne désirait pas communiquer en donnant « un sein » à une Mère-Public ; et, comme si elle brandissait un « phallus-oral » qu'est l'écriture à une « petite armée » de « psychanalystes-spécialistes ».
Ce n'est pas un lait digeste.
Alors, femme phallique ou peur de revendiquer un « juste matriarcat » ?

Patrick FRASELLE
psychanalyste-psychothérapeute

Copyright - Patrick FRASELLE
Le 15 septembre 2014 for - texts, links and pictures - checked and locked.

• V. Dröscher, éthologue
• André Van Lysebeth, Tantra, le culte de la féminité, Flammarion, Lausanne, 1988
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