Psychanalyse du tatouage et du piercing par Patrick FRASELLE


Publié le 23 Février 2014
Psychanalyse du tatouage et du piercing par Patrick FRASELLE

Psychanalyse : le tatouage en tant que fétichisme

Du point de vue anthropologique
Le tatouage est la décoration du corps. Il est signe d’appartenance à un groupe : exaltation des valeurs guerrières, dynamiques initiatiques, rites de passage, magie, symbole, exaltation des valeurs masculines et tribales. Historiquement, cela relève bien du rite d’initiation (rite de passage) ou bien d’appartenance à un groupe. Son origine est donc tribale (puissance animale originelle).
Dans notre société actuelle ou l’homme perd sa place de mâle, il aurait besoin d’aller chercher des valeurs ancestrales symboliques (tatoo) pour aller « reconquérir » des valeurs masculines perdues ou bien en voie de castration.
Les dérives de nos sociétés actuelles
Plus loin et dans notre société, c'est le corps proposé en tant que support narcissique pathologique, entrevu comme « œuvre d’art ». Ou bien comme support idéal à l’exécution d’une œuvre d’art. Adoration de soi-même. Névrose du tatouage ou du piercing relevant plus de la mutilation du corps. Au-delà de la narcissisation pathologique du corps, on peut y entrevoir toute l'option fétichiste relayée par une dynamique masochiste. En effet se faire tatouer ou se faire placer des piercings est douloureux. "Il faut souffrir pour être beau ?" C'est être vu, être regardé, être remarqué. Être admiré mais aussi au risque d'être rejeté mais exister aussi par ce rejet. Faire partie du groupe par soumission et identification ou, être rejeté du groupe humain basique pour faire partie d'un groupe " à part", pour exister autrement. Exister en rejetant la société comme cela s'est fait à toutes les époques : cheveux longs, cheveux rasés, cheveux rouges, piercing à l'excès, jeans troués non pas par pauvreté réelles mais achetés chers et en boutiques de luxe, tatouages, vêtements gothiques, etc. Jeux des adolescents pour rentrer en opposition avec la sphère parentale ou sociétale font partie de l'arrachement émotionnel à la mère et au père. Faire parler de soi. Support pour la rencontre du regard de l’autre. Cependant, les tatouages ne sont pas toujours ostentatoires (visibles) et peuvent être réservés à l’intimité ou bien aux initiés.
"À l'origine, ces marques sur la peau étaient des signes d'appartenance à un groupe : tribal, religieux, de pirates, d'anciens prisonniers ou de légionnaires. Mais c'était aussi une manière de marquer de manière indélébile certaines catégories de gens comme les esclaves ou les prisonniers. Mais les raisons pour lesquelles les gens choisissent d'être tatoués sont diverses : identification à un groupe, cosmétique, rituel religieux et utilisations magiques sont les plus fréquentes. Aussi, la sociologie du corps les tient pour un objet d'étude important.
Dans les années 1970, puis plus particulièrement dans les années 1990, un véritable engouement pour le tatouage est né. Le tatouage n'est plus alors une manière d'afficher son appartenance à un groupe, à une tribu ou à un quartier, c'est un moyen de revendiquer son originalité, de séduire, de s'embellir, de provoquer, de compenser.Source : Wikipédia
Débats
Lécher le tatouage de l’autre, comme je l'ai quelquefois entendu dire, hormis sa dimension érotique, est un acte d'oralité (absorption et ingestion, sucer, mouvements des lèvres par le léchage). Cela serait à mettre en lien avec les sensations érotiques que le bébé éprouve quand il suce le sein de sa mère pouvant avoir comme but inconscient de s’approprier de la puissance phallique (dans le cas d’un homme) ou symbolique de la personne qui le porte… Ou la toute-puissance du sein maternel; transfert ce faisant, peu importe le sexe du « léché » ou du « lécheur ». Ce léchage est proche de la dimension orale-cannibale ou l'on peut absorber l'autre, en soi-même, par la morsure érotique : désir d'appropriation. « Belle ou beau à croquer ! » Croquer, à l'origine, veut évidemment bien dire « manger » et non « faire un croquis ».
Faudrait-il savoir, à ce moment-là, si la personne qui ingère (mange, dévore), au-delà d’aller s’approprier les « qualités » de l’autre, n’aurait pas envie d’être elle même tatouée… Elle vivrait ainsi un transfert d’appropriation de tatouage par « absorption ». Plus bas, je viendrai à la théorie psychanalytique du fétiche, étudiée par Freud.
Je pense que l’on peut voir le maquillage du visage féminin, l’esthétisme des ongles des mains et des pieds (valeur érotique forte) comme un résidu ou bien comme un simulacre de tatouage. La femelle se maquillant pour mettre en valeur les zones sexuelles du visage : lèvres rouges, évocation de la vulve chaude et rouge en état d’excitation sexuelle. Les yeux étant aussi un capteurs de messages ou bien un émetteur de message sexuels (longs cils maquillés, battements des paupières, etc). Et ce, dans le but de séduire le mâle et de l’attirer dans ses filets. Pour un acte sexuel unique (désir) ou bien pour attirer le futur père de ses enfants (programme biologique) et lui subtiliser définitivement sa liberté.
J'ai croisé une fille de plus ou moins 25 ans qui avait comme tatoo sur le cou, un code-barre…
Que faut-il penser de ce symbole ? Que veut-elle exprimer ? N'est-telle qu'une marchandise ? Ou bien est-elle une marchandise « délicieuse » à consommer ? Faut-il la mériter, plus loin, en la payant ? Est-elle une femme-objet symbolisée ? Ou est-ce purement une provocation communicationnelle relevant des idées précédentes ? Ce tatouage spécifique ainsi que particulier marque-t-il clairement et plus simplement son conflit interne ?
La peau, le plus grand organe du corps humain, est celui qui fait la barrière entre notre monde interne (sensations, émotions) et le monde extérieur.
La peau support artistique, deviendrait-elle l'appeau pour attirer l'autre ?
Le tatouage pouvant, être plus simplement, un prolongement un autre versant de l'exaltation narcissique du vêtement hystérique, voyant ainsi que coloré, hyper-coloré ?
Nous savons tous que le vêtement est un prétexte pathologique et, transcende depuis longtemps le besoin premier : se vêtir pour se protéger plus que pour cacher sa propre nudité. En fait, le vêtement terriblement sexué est une prolongation provocatrice de la nudité, qu'elle prétend masquer, au départ.
Comme la nature a pourvu certains animaux de signaux sexuels visuels forts à travers certains plumages ou toisons ultra-voyants.
Patrick FRASELLE
psychanalyste - psychothérapeute
Copyright - Patrick FRASELLE
Le 1 septembre 2014 for - texts, links and pictures - checked and locked.
  •  
Apport scientifique - sources internet
"Le renouveau en occident des pratiques de modification corporelle est sujet à de nombreuses interprétations. Il est admis plusieurs raisons, esthétiques bien sur, sexuelles, masochistes, mais aussi de malaise psychologique et social en revendiquant l’appartenance à un groupe différent.
Il est cependant important de différencier les piercings et les tatouages des autres modifications corporelles. Car ils sont devenus plus courants par un véritable effet de mode. L’effet de mode n’empêchant cependant pas le désir de retourner à des valeurs masculines « plus animales » pour le cas des tatoués ou des piercés mâles.
L'âge du premier tatouage est toujours celui de l'adolescence (entre 15 et 20 ans), y compris chez les peuples primitifs où il s'intègre aux rites initiatiques. Le sujet gardera une empreinte de ses incertitudes adolescentes qu'il pourra ensuite compléter avec un tatoueur professionnel. Bêtise de jeunesse mais aussi marque d'un passage, placé sous le signe de la rencontre et du transit. En effet même solitaire, le tatouage sera souvent le fruit d'une rencontre avec un groupe ou un milieu au sein duquel se tatouer prendra valeur d'affirmation de soi, d'adhésion, d'intégration. Parmi ces milieux clos et mono-sexués, où l'identité se dilue dans l'uniformité du groupe, citons la prison, l'armée, le navire, mais aussi la bande, le foyer éducatif, ou tel ou tel centre. L'oisiveté, l'ennui, l'ambiance délictogène, mais aussi l'alcool et la drogue seront autant de facteurs incitatifs, de même que l'imitation propre aux adolescent. Passage enfin, où la marque officialise le passage pubertaire où sa ritualisation sociale, entrée dans l'armée, en prison, dans la bande...
Signe d'appartenance ou de reconnaissance, le tatouage affirme une nouvelle identité.
Le tatouage fait sans doute partie de l'histoire de l'humanité. A l'origine l'homme préhistorique se peignait le corps dans le but d'obtenir un camouflage lui permettant des ruses de guerre ou de chasse. Puis il se tatoue pour s'affirmer en tant qu'homme, différent des animaux qu'il arrivait à dominer, et en tant qu'adulte viril et courageux. Le tatouage devint dans de nombreux pays un rite initiatique de passage de l'enfance à l'âge adulte, une sorte de mise à l'épreuve. Il devint, également un signe sacré, magique chargé de protéger ou de guérir. Signe de reconnaissance dans les tribus nomades, le tatouage est aussi un élément décoratif. Véritable habit du primitif, il précise les rôles sociaux du garçon et de la fille. Signe de virilité, de force et de courage chez le garçon, il est considéré comme un ornement, valorisant la beauté et la féminité chez la fille. Ce mode d'expression se retrouve sous toutes les latitudes, de Polynésie au Japon, d'Afrique en Europe. Mais la marque corporelle de tout temps a un caractère plus ou moins ambivalent, caractère encore plus évident à notre époque "civilisée". Toute l'histoire confirme cette ambivalence. Marque sociale rejetée car infamante, le tatouage est vécu comme une blessure humiliante : la peau est griffée, balafrée, estampillée. Elle peut être aussi ressentie comme valorisante, le tatouage est alors une décoration de prestige : la peau est blasonnée, calligraphiée, investie de pouvoir.
Le tatouage correspond à la transgression d'un interdit religieux, culturel et social. Interdit religieux dans les trois religions monothéistes, interdit culturel et social, car si dans certaines sociétés tribales le tatouage est rituel, institutionnel et nécessaire, dans les sociétés modernes le tatouage reste pour beaucoup le fait de marginaux qui affichent leur refus du système. Il est le signe d'une appartenance à une personne où à un groupe social, le fait d'adolescents rebelles voulant jouer les durs et qui passent pour des sauvages.
Le tatouage n'est donc pas un simple dessin mais un langage codé d'une grande valeur symbolique pour son détenteur. Il s'instaure (comme déjà cité) le plus souvent à l'adolescence et correspond à des concepts essentiels comme la liberté et la sexualité, très prégnants à cette période clé de l'individu. C'est aussi une forme de pré-écriture et une forme d'art.
Quel est la motivation profonde du tatouage comme du tatoué ? Le tatouage reste de toute évidence un processus secret, un cheminement psychologique parfois long dont le tatoué lui-même n'a pas toujours entièrement conscience. Le tatouage traduit bien la valeur auto-agressive de ce passage à l'acte. Le corps sera la victime de cette mutilation qui rappelle les pratiques de chirurgie rituelle, qui chez les peuples primitifs lors de l'initiation, font entrer dans la culture ce qui est de l'ordre de la nature (circoncision, excision). C'est dans la peau que se grave le tatouage ainsi placé entre le dedans et le dehors; peau tout à la fois, enveloppe du corps et du moi, frontière entre intérieur et extérieur et lieu d'échanges privilégiés. "Mal dans sa peau" le sujet va se modeler son image du corps en manipulant ainsi son espace cutané (revalorisation narcissique). Par cette action auto-plastique, la peau est l'objet d'un réinvestissement libidinal important; elle accueille l'aiguille avec douleur et plaisir.
Il y a dans l'acte de se tatouer la nécessité de venir matérialiser la barrière symbolique que joue la peau. Par cette "prothèse cutanée" le tatoué tente de réparer un "moi-peau" (Cf. les travaux de Didier Anzieu dans son ouvrage « le moi-peau ») raté ou défaillant. Cet artifice redoublant la membrane cutanée, renforcera sa valeur protectrice, garantira l'intégrité du Moi. En écrivant ses limites, donnera l'illusion d'un soi agrandi et embelli : "être craint", plus "viril". Cette opération transitoire chez l'adolescent en mouvance devra se répéter, toujours nécessaire chez les tatoués "chroniques" malade du soi-même-être. Un tel repli libidinal sur le corps renforcera l'estime de soi mais cet apport narcissique appauvrira d'autant le sens du geste dans la relation d'autrui. Se tatouer est donc un passage à l'acte, lequel procure une décharge tensionnelle, tout comme l'acte de boire chez l'alcoolique, la fugue, le délit ou la tentative de suicide. Ceci rend compte, de la parenté des tatoués avec les psychopathes et de la fréquence chez eux d'agir vite (ivresses, délits); de la pauvreté d'expression verbale, car le geste remplace la parole et en tient lieu, cette esquive de l'élaboration mentale, des conflits étant très économiques pour le moi, de l'impossibilité qu'a le tatoué d'expliciter ses motivations profondes. Il faut signaler que le recours au tatouage se fait chaque fois que l'identité personnelle est menacée, surtout à l'adolescence, où la crise identification bouleverse le moi, qui se restructure dans la mouvance propre à cette période. Aussi, je reprécise, lors du passage carcéral, dans l'armée, la marine et tous les lieux où derrière l'uniforme, la discipline et l'humiliation, s'estompe le JE. L'individu va peut-être perdre son nom mais se retrouvera membre du groupe et tatoué. L'hôpital psychiatrique par contre n'est pas un lieu de tatouage, surtout parce que la parole, les échanges relationnels et les symptômes offrent un autre mode d'expression.
Quelque soit sa connotation, revendicatrice, provocatrice, conjuration, sentimentale, érotique ou tout simplement décorative, le tatouage est bien un langage collé au corps, plus significatif qu'un simple badge que l'on peut changer. Il délivre un message codé dont la gravité est son caractère définitif. Il peut alors devenir une charge. Le fétichisme désigne plus généralement l'adoration d'objets fétiches censés être dotés d'un pouvoir. Le terme subit une évolution sémantique. Le substantif « fétichiste » devient l'adepte non plus d'une religion mais d'une perversion. Freud []désigne comme fétichisme la pratique sexuelle de recherche de l'orgasme par le biais d'objets ou de parties du corps, indépendamment du coït. Il y a donc fétichisme sexuel chaque fois qu'une partie du corps ou un objet vient prendre la place de l'organe sexuel du partenaire et se substitue entièrement à lui. La théorie de Freud va évoluer avec ses réflexions. D'abord centré sur la notion de libido, le fétichisme est présenté comme une perversion. [ ]Ensuite, il propose une explication quant à l'origine du fétichisme sexuel, qui serait lié à un traumatisme durant l'enfance symbolisé par l'angoisse de la castration. Selon sa théorie, un garçon, découvrant pour la première fois qu'une personne du sexe féminin (sa mère par exemple) ne possède pas de pénis, fait un transfert sur un objet inanimé qu'il verra au même moment[]. Le fétiche constitue ainsi un substitut du phallus manquant de la femme. Cet objet lui sera alors nécessaire dans le futur pour avoir une satisfaction sexuelle. Selon lui, le fétichiste aurait en fait recours à un clivage : une partie de la personnalité reconnaît l'angoisse de castration via l'objet fétiche, l'autre non et la refoule, la particularité du clivage demeurant dans le manque de communication entre ces deux pôles. Cette théorie rencontre cependant ses limites dans les cas de fétichisme féminin où l'angoisse de castration ne s'exprime pas de la même façon ; de fait, Freud évoque essentiellement l'homme fétichiste, et limite la femme au fétichisme des vêtements qu'il juge « normal »[].
Après Freud, la théorie du fétichisme subit d'autres influences. Dans les années 1930, Mélanie Klein reprend le concept d'objet partiel de Karl Abraham et s'attarde plus à présenter le fétichisme du côté de l'objet maternel dans sa dimension d'attachement/séparation que dans sa dimension phallique[]. Dans les années 1950, c'est Donald Winnicott qui apporte sa contribution via sa théorie sur l'« objet transitionnel », qu'il différencie du « fétichisme » - même s'il reconnaît un caractère précurseur au fétichisme dans cette démarche. Selon lui, l'«objet transitionnel» est une illusion du phallus maternel, appartenant au développement affectif « normal » de l'enfant ; à l'inverse, le fétichisme relève de l'hallucination liée à la relation maternelle (donc le « sein »)."

Commentaires

L'obsession de savoir

Psychanalyse du policier CRS gendarme BAC - ces pervers, psychopathes, sociopathes, ces petits fachos frustrés et autres névrosés professionnels

Penser la civilisation par Jean-Pierre Journet, psychanalyste

On arrête les bêtises ? La saloperie que nous n'achèterons pas : le tatouage

Liens sur la psychanalyse et la psychothérapie

Le langage du 21ème siècle - progrès ou régression ? Constat anthropologique